Le témoignage de Magali Godart
Magali est la tante de Chloé, elle est atteinte d’une maladie qui touche son audition et sa vue, cette maladie se nomme le syndrome d’Usher. Nous lui avons demandé son accord pour lui poser des questions parce qu’avoir un témoignage d’une personne malentendante nous semblait important. Connaître son ressentis et aussi son quotidien est ce qui nous intéressait vraiment. Elle a accepté de nous aider et a témoigné pour nous. Il faut savoir que cette maladie est une maladie génétique qui la handicape énormément dans sa vie de tous les jours. Grâce à elle nous avons pu nous rendre compte de la difficulté de cet handicap.
Quelle est ta maladie? Quelles sont les déficiences et d'où proviennent-elles?
« Le nom de ma maladie est le SYNDROME DE USHER.
Définition: Le syndrome d'Usher (1914), ou syndrome de Joly, est une maladie génétique, caractérisée par une perte d’audition congénitale associée à une déficience visuelle progressive par rétinite pigmentaire. C'est la première cause de cécité-surdité héréditaire chez l'adulte.
Il existe trois formes différentes du syndrome d’Usher (de type I, de type II et de type III). Cette perte d'audition concerne les deux oreilles. La rétinite pigmentaire peut évoluer jusqu’à la perte de la totalité de la vue. Des troubles de l’équilibre peuvent également être associés.
Cette maladie porte le nom de l'ophtalmologiste britannique Charles Usher, qui en a étudié la pathologie et la transmission en 1914 sur une soixantaine de cas.
Dans mon cas, je suis atteinte du syndrome de Usher de type II»
Comment expliquer les manifestations ?
« La surdité est due à une atteinte de la partie la plus profonde de l’oreille appelée oreille interne.
Les troubles de la vue sont dus à une atteinte de la rétine appelée la rétinite pigmentaire.
La rétine est la membrane tapissant le fond de l’œil et sur laquelle les signaux lumineux sont transformés en signaux électriques transmis au cerveau où ils sont convertis en images.
Les gènes impliqués dans le syndrome d’Usher "commandent " la fabrication de protéines essentielles au fonctionnement normal de certaines cellules spécialisées de l’oreille interne et de la rétine : dans l’oreille interne, ce sont des cellules coiffées de "cils" appelées cellules ciliées ; dans la rétine, ce sont les cellules qui captent la lumière, appelées photorécepteurs
A/ Troubles de l’audition:
L’oreille interne contient l’organe de l’audition appelé cochlée ou limaçon : c’est un petit organe creux en forme d’escargot, qui transforme les sons en signaux électriques qui seront transmis au cerveau. La cochlée est remplie d’un liquide (l’endolymphe) et tapissée de cellules ciliées. Lorsqu’un son arrive dans l’oreille, il fait vibrer le tympan ; cette vibration est ensuite transmise à la cochlée par l’intermédiaire de petits os appelés osselets et se propage dans l’endolymphe comme une vague. Sous l’effet de cette vague, les cils des cellules ciliées vont osciller. Ces cellules transforment alors l’onde reçue en un signal électrique qui sera transmis jusqu’au cerveau.
Dans le syndrome d’Usher, la cochlée est bien formée (il n’y a pas de malformation visible au scanner et à l’IRM). La surdité est due à une anomalie du développement des cellules ciliées présentes dans cet organe.
Les cellules ciliées perçoivent bien le son et les changements de position, mais elles ne sont pas capables de les transformer en signal électrique. Les messages de l’audition ne sont donc plus transmis au cerveau.
B/ Troubles de la vue:
Les troubles visuels sont dus à l’altération des cellules spécialisées de la rétine.
La rétine est constituée de différents types de cellules et en particulier de cellules qui captent la lumière, appelées « photorécepteurs », qui sont de deux sortes : les cônes et les bâtonnets.
Les cônes fonctionnent à la lumière du jour et ils sont en majorité situés dans une petite fossette au centre de la rétine appelée fovéa. Ils permettent de voir les détails et de percevoir les couleurs.
Les bâtonnets, eux, sont répartis dans tout le reste de la rétine et sont majoritairement présents autour de la macula (structure de la rétine dont le centre est la fovéa). Ils interviennent lorsque la lumière décline.
Ainsi, la vision dépend des cônes en pleine lumière, et des bâtonnets dans la pénombre.
Les photorécepteurs du centre de la rétine, en particulier les cônes, permettent la vision fine, ceux de la périphérie de la rétine, bâtonnets et cônes, permettent la détection des mouvements.
Dans le syndrome d’Usher, la rétine perd sa capacité à répondre à la lumière et à transmettre les signaux au cerveau. Progressivement, les bâtonnets puis les cônes sont détruits. Des petits dépôts pigmentés apparaissent dans la rétine, donnant son nom à la rétinite pigmentaire. Des « trous » dans le champ de vision (scotomes) se forment. La fusion de ces « trous » à la périphérie de la rétine entraîne le rétrécissement du champ de vision et aboutit à la vision en tunnel ou dite "tubulaire".»
Quelles sont les modalités de prise en charge des manifestations de cette maladie ?
«A/ La prise en charge auditive:
Les malades peuvent être appareillés. L’appareillage conventionnel (audioprothèse) est un dispositif qui amplifie électroniquement le volume du son.
B/ La prise en charge visuelle:
Le port de verres protecteurs et filtrants adaptés à la rétinopathie, prescrits par un médecin ophtalmologiste, est recommandé. Leur but est surtout de diminuer la sensation d’éblouissement, tout comme le port d’un chapeau à visière, et d’améliorer le contraste. Il est également conseillé d’éviter les expositions au soleil sans cette protection (mer, montagne).
Un apport de fortes doses de vitamine A (rétinol) pourrait ralentir l’altération des cellules impliquées, les cônes et les bâtonnets.
Une alimentation équilibrée enrichie en antioxydants comme la lutéine, une substance présente dans les légumes verts, et les omégas 3, présents dans les poissons gras, pourraient aider à ralentir l’évolution des troubles de la vue. Des compléments alimentaires sont aussi disponibles mais n’ont pas fait la preuve de leur effet.»
A quel âge as-tu découvert l'existence de ta maladie? Comment t'en es-tu rendue compte?
«Concernant les problèmes auditifs, je suis appareillée depuis l'âge de 3 ans mais à l'époque on ne faisait pas de dépistage auditif à la naissance; ma mère s'en est rendue compte que tardivement suite aux alertes données par les institutrices à l'école maternelle. j'ai eu beau passé des examens, à l'époque ils n'ont pas fait le lien avec le syndrome de Usher (peut être que la maladie était peu connue) et ils avaient simplement diagnostiqué une altération du nerf auditif… Je n'ai jamais eu de mal à accepter de porter mes appareils auditifs puisque je les ai porté dès mon plus jeune âge. Et le fait d'être une fille me permettait de les cacher derrière mes cheveux! Par contre, je ne te dis pas mon retard dans l'acquisition du langage! J'ai du suivre pendant de nombreuses années des cours d'orthophoniste… Et pour mes problèmes de vue, je m'en suis rendue compte assez récemment, en 2003 (donc j'avais 24 ans) suite à différents signes comme une mauvaise visibilité dans le noir, je n'arrêtais pas de mon cogner aux portes, aux coins de tables… ce qui m'a amené à consulter un ophtalmo pour y faire par la suite des examens plus poussés; et donc c'est à partir de là que le diagnostic est tombé et que j'ai su que mes problèmes auditifs étaient liés à mes problèmes de vue»
En ce qui concerne tes troubles auditifs:
Comment vis-tu ton handicap? En quoi ta maladie modifie-elle ton quotidien?
«Question difficile à répondre en une seule phrase… on va dire que je le vis de plus en plus difficilement puisque c'est une maladie évolutive, surtout en ce qui concerne la vue. Au début de ma maladie j'étais encore suffisamment "bien voyante" pour être autonome; ce qui est bcp moins le cas auj. Heureusement que mes problèmes d'audition eux ont tjrs été stables depuis l'enfance. Ceci dit, malgré le port de mes prothèses auditives, je suis gênée dans certaines situations comme quand je suis dans un environnement ou pièce bruyante ce qui me demande bcp d'effort, de concentration pour entendre les gens avec qui je parle; et dans le cas contraire, quand je n'ai pas les appareils auditifs (parce que je suis dans l'eau de la piscine ou de la mer par exemple ou tout simplement la nuit) là je comprends difficilement ce que me disent les gens si je ne lis pas un minimum sur les lèvres et je suis dans l'incapacité d'entendre certains bruits.
Ma maladie a changé mon quotidien surtout face au rétrécissement de mon champ visuel et difficulté à me déplacer dans l'obscurité. Depuis 3 ans mnt, je ne suis plus en capacité de conduire une voiture et donc j'ai perdu en terme d'autonomie. Je suis obligée de faire appel à qqun pour me rendre à un RV, faire des courses, etc. J'ai de plus en plus de mal à prendre le métro toute seule du fait d'un éclairage insuffisant dans les couloirs et de l'affluence importante; le fait tout simplement de marcher, je dois constamment regarder le sol pour appréhender les trottoirs, les marches ou pour éviter de me cogner dans les poteaux, les plots; il m'est devenu difficile aussi de voir un film au cinéma car la taille de l'écran étant très grand, cela m'oblige à balayer du regard tout le temps de gauche à droite; idem pour les soirées, la présence de musique assez forte et de lumière tamisée m'isolent des autres car cela rend la discussion très difficile. Et chose très pénible aussi, je passe bcp de temps à retrouver un objet (surtout s'il est petit) que j'ai fait tombé alors qu'il est sous mes yeux… c'est très agaçant!»
Quels dispositifs te sont accessibles afin de te faciliter le quotidien?
«Malheureusement cela reste limité.
Dans le contexte professionnel, je dispose d'un aménagement de poste c'est-à-dire que j'ai mon propre bureau situé au plus près de la salle d'attente pour limiter au maximum les déplacements. je dispose d'un logiciel informatique permettant de mieux voir à l'écran (curseur de la souris + jeux de contraste). je bénéficie également d'un taxi pour me rendre à des réunions ou formations. j'ai également la possibilité d'obtenir un boitier Bluetooth pour le téléphone que je n'ai pas encore mais qui me permettrait d'entendre en étant directement relié du téléphone à mes appareils auditifs sans à tenir le combiné à la main (principe du kit main libre mais le sons arriveraient directement à mes appareils).
Après, je dispose tjrs d'une lampe de poche si besoin et rien ne vaut une présence humaine à mes côtés pour me guider dans mes déplacements.»
Quel type d'appareil auditif as-tu?
«Des contours d'oreille de la marque Phonak»
Quels sont les facteurs qui font que tu entendes mieux ou moins bien les sons autour de toi?
«Le bruit (musique forte et autres sons bruyants), le vent (bruit équivalent à celui quand tu souffles dans un micro), le brouhaha, qqun qui chuchote font que j'entends difficilement
Quels sont les sons que tu perçois le mieux ou le moins?
«Les sons aigus me sont plus difficiles à entendre que les graves.»
Qu'est-ce qui te gêne le plus?
« Un environnement bruyant (se concentrer sur une seule voix dans une foule bruyante)»
Quelles sont les lacunes des dispositifs auditifs?
«- leurs couts prohibitifs qui ne peuvent être à la portée de tous alors que dans certains cas cela leur est indispensable
- malgré les progrès technologiques, des efforts sont encore à faire concernant la qualité de réception dans un environnement bruyant pour pouvoir suivre une conversation sans être gêné par des sons "parasites" aux alentours»
Pour finir, nous remercions Magali Godart d’avoir pris son temps pour nous répondre avec une grande précision et beaucoup de sincérité. Ce témoignage nous a apporté à toutes la preuve que vivre avec des troubles de l’audition n’est pour personne une chose facile. Sans ce témoignage nous avions beaucoup de mal à envisager et comprendre les difficultés que cet handicap engendrait au quotidien et grâce à elle, une fois de plus nous pouvons dire qu’il faut faire plus attention à cette déficience qui est souvent trop invisible dans notre société.